L’autofiction, une écriture de soi ?
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Sur 459 romans publiés à la rentrée littéraire de 2024, 311 étaient des romans français. Parmi ces publications, on a pu remarquer la présence notable d'autofictions. Emma Becker avec Le Mal joli, Thibault de Montaigu avec Cœur ou encore Virginia Tangvald avec Les Enfants du large ont investi ce genre souvent difficile à définir.
Avant eux, de nombreux auteurs devenus célèbres comme Amélie Nothomb, Annie Ernaux, Serge Doubrovsky ou encore Camille Laurens s'étaient tournés vers l'autofiction.
Dans cet article, nous vous proposerons une définition de l’autofiction, accompagnée d’exemples d’auteurs et de textes phares du genre, puis nous vous donnerons des raisons de vous essayer à ce genre (et la bonne manière de le faire), ainsi que les risques qui accompagnent cette écriture.
Qu’est-ce que l’autofiction : définition
Née en 1977 d’un néologisme popularisé par l’écrivain Serge Doubrovsky qui la définit comme « une fiction d'événements et de faits strictement réels », l’autofiction est également définie, selon Le Robert, comme un « récit mêlant la fiction et l’autobiographie ».
Dans ces deux définitions, on retrouve principalement l’idée de fiction se mêlant à des faits réels. C’est cet élément en plus qui permet de le différencier de l’autobiographie qui, elle, ne possède pas ce souffle et cette tension romanesques. Elle se contente de narrer des faits réels sans les romancer. La définition d’ « autobiographique » est d’ailleurs « qui concerne la vie de l’auteur, ses souvenirs sur lui-même », selon Le Robert également. L’idée de fiction ne ressort donc pas du tout de l’autobiographie.
L’autofiction, au contraire, est un genre qui s’inspire d’éléments de la vie de l’auteur, de certains faits marquants, mélangés à un côté plus fictionnel. L’autofiction permet finalement de rendre l’expérience de l’auteur plus universelle grâce à la fiction. C’est en mélangeant ces deux facettes que ce genre prend tout son sens.
L’expérience personnelle ne devient plus le thème principal, mais se met au service du romanesque. C’est cette balance parfois difficile à cerner qui définit un texte en tant qu’autofiction ou autobiographie.
Les principales figures et les principaux textes de ce genre
Serge Doubrovsky
Auteur de Fils, livre considéré comme fondateur de l’autofiction, c’est l’auteur Serge Doubrovsky qui invente lui-même le terme ainsi que sa définition, et l’applique à ses écrits.
Dans une interview accordée à Télérama, il dit qu’il écrit sa vie, non pas de la manière dont elle s’est déroulée, mais de la manière dont elle lui vient. Il voit donc l’autofiction comme une version libérée de l’autobiographie, dans laquelle les contraintes n’existeraient pas.
Les livres de Serge Doubrovsky appartenant à l’autofiction sont Fils, Le Livre brisé, Un homme de passage, L’après-vivre ou encore Laissé pour conte.
Annie Ernaux
Ayant reçu le Prix Nobel de la Littérature en 2022, Annie Ernaux n’est plus à présenter ! Avec ses nombreux titres tels que La Place, Les années, L’événement, La honte ou encore La femme gelée, son œuvre est globalement inspirée de faits réels, provenant directement de sa vie.
Considérée comme une autrice d’autofiction, Annie Ernaux ne se définit cependant pas comme telle, comme elle l’affirme dans une interview accordée au Monde : « Et pourquoi veut-on toujours me classer comme auteur d'autofiction, ce que je ne suis pas […] ? »
Cela prouve encore une fois la difficulté de ce genre à être défini et appliqué aux livres, ainsi que son rapport assez ambigu au genre autobiographique.
Camille Laurens
Membre de l’Académie Goncourt depuis 2020, Camille Laurens, après plusieurs romans de fiction, s’est tournée vers l’autofiction à la suite de la mort de son fils, avec son livre Philippe.
Se considérant comme une autrice de « l’écriture de soi », Camille Laurens a écrit plusieurs autofictions telles que Ni toi ni moi, Dans ces bras-là, Romance nerveuse et L’amour, roman.
Amélie Nothomb
Connue pour ses nombreux romans et ayant reçu plusieurs prix tout au long de sa carrière, Amélie Nothomb n’écrit pas seulement de la fiction. En effet, plusieurs de ses ouvrages appartiennent au genre de l’autofiction.
Ses livres concernés sont Le sabotage amoureux, Ni d’Ève ni d’Adam, Stupeur et Tremblements, La Nostalgie heureuse ou encore Biographie de la faim.
Les nouvelles voies de l’autofiction
L’autofiction continue toujours de séduire les auteurs ! Voici une liste de livres publiés récemment :
- Éric Reinhardt avec L’amour et les forêts, récit ayant reçu le Prix du Roman des étudiants France culture Télérama en 2015, le Prix du Roman France Télévisions en 2014 et le Prix Renaudot des Lycéens en 2014, publié chez Gallimard en 2014.
- Capucine Delattre avec Un monde plus sale que moi publié chez La Ville Brûle en 2023.
- Manon Fargetton avec Tout ce que dit Manon est vrai publié chez Héloïse d’Ormesson en 2021.
- Julia Deck avec Ann d’Angleterre publié au Seuil en 2024, ayant reçu le Prix Médicis en 2024.
Pour aller plus loin : les spécialistes de l’autofiction
D’autres auteurs semblent importants à citer, puisqu’ils ont notamment aidé à théoriser et approfondir le thème de l’autofiction.
Si vous désirez donc en apprendre plus sur ce genre, il sera intéressant de lire L’autofiction d’Isabelle Grell, dans lequel l’autrice tente de « clarifier les diverses approches conceptuelles » selon le site Babelio.
Philippe Gasparini, spécialiste de l’écriture de soi, propose également, à travers son œuvre, une explication de l’autofiction. Il est notamment l’auteur d’Autofiction : une aventure du langage ou encore Est-il je ? : Roman autobiographique et autofiction.
Nos conseils pour écrire de l’autofiction
Pourquoi écrire de l’autofiction ?
Les raisons d’écrire une autofiction sont multiples, mais ce que l’on en retient principalement est le fait de mêler un récit universel, dans lequel le lecteur pourra se reconnaître à travers l’expérience du narrateur, et le souffle romanesque du texte. Il est nécessaire de maintenir une certaine tension au risque de tomber dans du témoignage ou de l’autobiographie.
Ce récit universel est l’occasion pour les auteurs de faire entendre leur voix, de mettre un bout d’eux-mêmes dans le texte et de profiter de leur expérience personnelle pour des causes plus grandes.
Comment écrire de l’autofiction ?
Pour écrire de l’autofiction, la partie autobiographique du récit doit être mise en retrait au profit du romanesque, tout en trouvant le bon équilibre entre ces deux parties. Cela permet de garder une certaine distance et d’éloigner l’autofiction de l’autobiographie. Par ailleurs, c’est cet aspect réel qui donne au récit cette authenticité et cette véracité, grâce auquel le lecteur pourra se retrouver et se projeter.
Il est alors important de se poser la question de l’intention : pourquoi voulez-vous écrire ? L’écriture de votre autofiction pourra alors être guidée par cette intention. C’est ce qui vous permettra de garder un fil rouge concernant l’angle et la façon d’aborder votre récit.
Les risques avec l’autofiction
S’il vous vient l’envie d’écrire de l’autofiction après la lecture de cet article, il faudra garder à l’esprit que l’écriture de ce genre peut parfois comporter quelques risques.
En effet, plusieurs héritiers de Serge Doubrovsky en ont fait les frais, tels que « Régis Jauffret, Marcela Iacub, Christine Angot, Lionel Duroy, Camille Laurens, Christophe Donner ou encore Nicolas Fargues », cités dans un article de Livres Hebdo.
L’autofiction, en s’inspirant de la vie des auteurs, s’inspire également de personnes réelles qui ne désirent pas toujours apparaître dans des livres. De ce fait, il faudra faire attention au respect de la vie privée des personnages mentionnés dans votre récit. Il ne suffit pas seulement de changer le prénom car, si la personne est reconnaissable, cela peut vite constituer un problème pour la suite.
Vous devrez donc vous assurer du consentement des personnes présentes et reconnaissables dans l’ouvrage, au risque que celui-ci soit condamnable. Car ce n’est pas parce que le terme « fiction » est présent dans « autofiction » que cela protègera votre texte !
Finalement, nous pouvons remarquer que la limite entre l’autofiction et l’autobiographie peut parfois être assez fine et complexe à identifier. Tout se joue principalement dans les intentions, avec cette idée d’écriture de la fiction mélangée à une expérience vécue du narrateur, comme le montrent Serge Doubrovsky, Annie Ernaux ou Camille Laurens. Attention cependant à ne pas impliquer des personnes qui ne désireraient pas faire partie du récit !
