Cécile Briomet : Être autrice et formatrice
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J’ai longtemps perçu l’écriture comme un travail solitaire. Un moment introspectif où l’auteur·ice est seul·e face à la page blanche. Depuis que je publie mes romans, aide d’autres auteur·ices et suis moi-même accompagnée, j’ai compris à quel point je me trompais.
Cela fait neuf ans maintenant que mon premier texte a été publié. J’ai connu plusieurs maisons d’édition et autant d’éditeur·ices qui m’ont aidée à grandir et ont fait mûrir mon travail. J’ai aussi revu mes textes avec des professionnel·les, comme les relecteur·ices d’Édith & Nous, ou des éditrices externes, afin de perfectionner la qualité de mes manuscrits avant soumission. J’ai effacé, raturé, recommencé, pour aboutir au rendu que je souhaitais et que mes romans voient le jour, que mes lecteur·ices s’en emparent et leur fassent vivre un bout de chemin avec eux.
Ensuite, ce que j’ai appris en écrivant mes romans, en me perdant dans mes recherches, en découvrant le monde de l’édition, j’ai voulu le mettre au service de celleux qui, comme moi, nourrissent un projet d’écriture. Quand un·e auteur·ice dit qu’iel doute, que seul·e face à son ordinateur, iel ne sait pas par quoi commencer, qu’iel a peur que ce ne soit pas assez (bien, long, complet, dit…), je sais de quoi on parle parce que je passe par là à chacun de mes romans. Il n’y a pas un texte publié qui n’ait pas suscité de grandes angoisses et des doutes qui m’ont presque fait renoncer.
Mon parcours d’autrice me permet de comprendre la complexité du processus créatif, pas seulement dans son aspect technique, mais aussi dans tout ce qu’il relève d’intime et d’important. Entre auteur·ices, nous nous comprenons, avançons dans la même direction et avec le même projet : publier nos romans. J’ai eu le plaisir d’accompagner deux autrices en parallèle de ma relecture de La deuxième vie de Lise (éditions L’Archipel, novembre 2025). Leurs victoires sur leurs textes, allant jusqu’à la publication pour l’une d’elles, m’ont permis de mieux apprécier mon propre travail.
Ce double rôle d'autrice-formatrice crée une dynamique qui s’autoalimente par le biais des échanges et des partages. Les histoires des autres, leurs mots me stimulent, m’obligent à me dépasser sans cesse dans mes propres écrits. « Se nourrir des autres » pour se dépasser soi, aller encore plus loin dans ses retranchements. Voir ce qui bloque ailleurs pour mettre un focus sur ce qui coince aussi chez soi, voilà la meilleure manière de progresser.
Et si vous hésitez encore à faire appel à un·e éditeur·rice ou formateur·rice pour votre manuscrit, voici deux raisons pour lesquelles je vous encourage à le faire.
N°1 : Des conseils avisés
Imaginez un carnet vierge. Une page blanche avec laquelle vous partez, armé·es de certitudes que vous ne garderez pas longtemps et d’a priori qui finiront aussi par fondre comme neige au soleil. Au fil des accompagnements, des relectures, des corrections sur mes romans, j’ai enregistré les conseils dans ce petit recueil qui n’est désormais plus très blanc. Les nombreux retours des éditeur·ices ou correcteur·ices nécessitent une remise en question, et les certitudes vacillent pour parvenir à un rendu « publiable ». L’autrice que je suis se heurte parfois à ce professionnalisme, mais la formatrice prend note, car tout conseil avisé est bon à garder. Maintenant, ma pratique, enrichie de ces collaborations, n’est plus la même.
Désormais, je sais repérer les grosses erreurs de style, dans l’arc narratif ou ailleurs, car je les ai moi-même faites ! Un·e professionnel·le de l’écriture sait pointer du doigt ce « petit truc » qui parfois change tout. Être accompagné·e, ce n’est pas seulement demander à quelqu’un de lire son texte, c’est accepter que les retours soient critiques dans le but d’enrichir la pratique, d’améliorer l’écriture sans perdre le style ni l’identité de son auteur·ice. C’est comme ça que j’ai perçu chaque retour de mes éditeur·ices ou relecteur·ices, comme lorsque j’ai demandé une relecture à Édith & Nous : « Détaillez, expliquez, montrez ce qui ne va pas, car, de tout ça, j’apprendrai. » Et c’est si vrai.
Emmagasiner cette expérience et tous les conseils distribués au fil des années me permet non seulement de me professionnaliser en tant qu’autrice, mais aussi de pouvoir assimiler et transmettre aux autres.
N°2 : Une prise de recul nécessaire qui fait du bien !
Il est parfois difficile d’appliquer nos propres conseils et de se regarder avec la même indulgence que celle qui est réservée aux autres. Recevoir des critiques n’est jamais chose aisée, en prodiguer, même constructives, non plus. Dans sa pratique, il est nécessaire de prendre du recul. De s’interroger sur le pourquoi, le comment on écrit. De voir l’écriture comme un apprentissage sans fin dont nous ne sommes qu’aux prémices. De quitter la casquette d’auteur·ice passionné·e pour celle de professionnel·le. Toutefois, je crois qu’il serait faux de dire qu’on se défait totalement d’une casquette pour en revêtir une différente. Le savoir de l’un nourrit l’autre, mes incertitudes d’autrice disparaissent parfois face au plan d'action avisé pensé par nous ou pour nous. Et c’est certainement ce qu’il y a de plus compliqué et intéressant à la fois : s’appliquer ses propres consignes, ses propres règles.
Pour cela, il faut savoir prendre de la distance, accepter qu’il y ait des temps de flottement qui nécessitent une mise à niveau, revoir ce qu’on croyait certain pour réapprendre de nouvelles choses, et se fixer des objectifs plus en adéquation avec les attendus des éditeur·ices.
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