Raphaël Bischoff : Comment écrire un roman policier ?
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Beaucoup d’auteurs et d’autrices s’intéressent au genre du policier. Peut-être même avez-vous pensé à une intrigue policière qui pourrait se transformer en livre, et avez décidé de l’écrire. Mais pour produire un bon roman policier, un bon thriller ou un bon roman noir, il est important d’en connaître les bases, les personnages, la structure, l’atmosphère ; tous les éléments qui composent ces genres. Le policier a en effet ses spécificités, l’intrigue doit être réfléchie au maximum et le mystère, bien dosé. Découvrez, dans cet article, quelques conseils qui vous aideront à mettre en place le prochain polar coup de cœur des lecteurs et des lectrices !
Contrairement à ce que son nom indique, le roman policier n’a pas vraiment besoin d’inspecteur de police. Détective privé, journaliste, voisin curieux, sœur de la victime : les enquêteurs du « polar » sont divers. D’ailleurs, les Anglo-saxons parlent plutôt de detective story ou de mystery story.
La crédibilité de la vie de commissariat n’est donc pas un passage obligé. Non, la réussite d’un bon polar tient avant tout à une manière bien particulière de gérer l’intrigue : l’organisation du manque d’information de l’histoire.
Le polar : un mystère avant tout
Pour l’auteur de polar, il s’agit avant tout de construire un mystère, c’est-à-dire de construire un chemin entre ce qui a l’air de s’être passé (première scène de crime) et ce qu’il s’est réellement passé (résolution finale de l’enquête).
D’acte incompréhensible (trop violent ou bestial, matériellement impossible, irréalisable), l’auteur va mener le lecteur à une compréhension rationnelle du crime.
Le roman policier est souvent un hymne désespéré à la raison, à la compréhension des logiques violentes de l'être humain.
L’art de la dissimulation des indices
Dès lors que le mystère constitue l’ossature d’un polar, le jeu consiste à tromper le lecteur. Celui-ci ne doit pas pouvoir deviner avant l’enquêteur qui a tué et comment. Une grande partie de l’intérêt du lecteur serait gâchée s’il découvrait le coupable trop tôt.
Il s’agit donc de dissimuler des indices, de créer des fausses pistes, de faire varier le jugement de l’enquêteur sur les principaux suspects, de travailler en profondeur plusieurs mobiles possibles.
Astuce pour construire une intrigue policière
L’astuce consiste à se mettre dans la peau de l’assassin, à écrire (dans un document à part) le déroulé précis du crime, ainsi que son mobile. Bref, à se mettre au clair sur ce qu’il s’est réellement passé et pourquoi cela s’est passé.
Puis, il s’agit de dissimuler cette vérité au lecteur, le plus longtemps possible, en disséminant des indices discrets. Élémentaire mon cher Watson.
L’enquêteur doit-il être le protagoniste du roman ?
Dans une grande majorité des cas, oui, c’est le personnage principal. En tant qu’auteur, et ceci vaut pour toutes les sortes de roman, il s’agit de bien travailler la personnalité de l’enquêteur (ou de l’enquêtrice).
Un point de vue subjectif
C’est souvent à travers les yeux de l’enquêteur que le lecteur va progresser. L’écrasante majorité des romans policiers est écrite du point de vue de celui qui mène l’enquête. Le polar étant un genre populaire, l’écriture subjective (plus immersive) constitue un excellent choix pour l’auteur.
Ce sont les raisonnements de l’enquêteur que le lecteur va suivre : ses déductions, ses échecs, ses fausses pistes et ses impasses dans l’enquête.
Mais aussi, dans certains cas, le lecteur va avoir accès à sa vie privée. L’enquêteur n’est pas seulement défini par son rôle, c’est un être humain complexe qui doit vivre sur la page.
Notons que ce point de vue de l’enquêteur peut alterner avec d’autres personnages, tels que celui du coupable ou d’un proche de la victime.
Victime et coupable, les deux autres rôles majeurs
Intéressant, non ? La victime et le coupable sont les deux grands absents du roman policier : et pourtant, tout tourne autour d’eux.
La victime n’est plus là, et pour cause. Mais une bonne partie des enquêtes vise à en apprendre le plus possible sur elle. C’est en fouillant son passé, ses relations, ses secrets que l’enquête peut avancer. En creux, le polar est aussi l’autopsie d’une vie : celle du personnage de la victime.
Le coupable, lui, n’apparaît comme tel qu’à la fin. Il peut faire illusion pendant une bonne partie du roman, il peut aussi (plus rarement) n’apparaître physiquement que dans le dernier quart. Mais le cœur de l’enquête se trouve souvent dans son mobile. Pourquoi le coupable a-t-il agi de manière aussi atroce ? En creux, le polar est aussi l’autopsie d’une logique mortifère : celle du coupable.
Astuce pour lier l’enquêteur à son enquête
Afin que l’enquête ne paraisse pas trop exogène à l’enquêteur, l’astuce consiste à trouver un point commun entre l’arc externe (la résolution du crime) et l’arc interne (la personnalité ou la vie privée de l’enquêteur).
Et le thriller et le roman noir, dans tout cela ?
Polar, thriller et roman noir sont comme des cousins. Ils peuvent se ressembler comme deux gouttes d’eau. Ils peuvent différer en beaucoup de points.
Ajoutons que les collections de littérature noire des maisons d’édition ne facilitent pas la tâche de l'auteur : se côtoient dans ces collections des romans aux trames et aux objectifs bien différents.
Le thriller
Le thriller est au polar ce que le mistral est à la brise matinale : plus rapide, plus violent.
Souvent, le thriller prend comme base dramatique l’enquête. Il s’agit, comme le roman policier, de résoudre un meurtre, de trouver un coupable. Mais le thriller y ajoute une mise en danger de l’enquêteur, qui de chasseur devient chassé. Il se trouve isolé, traqué, mis à l’écart.
Car le thriller est davantage synonyme de « mise en danger » que d’« enquête ». Il s’agit de mettre rapidement le protagoniste face à des enjeux forts (et souvent, face à un compte à rebours) : traqué par la mafia, confronté à l’enlèvement de son enfant, à un mari violent, à une bombe qui va exploser dans douze heures, à ses propres souvenirs défaillants.
Le roman noir
Le roman noir, lui, est inclassable. Parfois, il se confond avec les livres de littérature générale. Lui aussi, souvent, prend comme base la résolution d’une enquête. Mais trois principes permettent de différencier le roman noir du roman policier classique :
- L’enquêteur est presque aussi borderline que le criminel qu’il doit arrêter. (Le roman noir rend ténue la frontière entre justice et injustice.)
- Le lecteur a accès, parfois de manière approfondie, à la logique mortifère (on entre dans une subjectivité particulièrement sordide, un peu folle).
- Les logiques sociales, historiques, politiques à l’œuvre sont bien documentées, longuement décrites. Souvent, le caractère « noir » est attaché à ce contexte et à cette atmosphère (monde de la prostitution, de la politique, de la précarité économique, de la santé mentale, du banditisme, du colonialisme, etc.).
Pour conclure
Même si ces trois sous-genres se répondent, il s’agit pour vous, auteur, de définir quelle sera la dominante de votre roman. Car chaque collection « noire » a ses tendances, ses préférences. Vous pouvez définir votre sous-genre a priori, vous pouvez également ajuster votre intrigue dans la phase de réécriture.