une flèche pointant vers la droite
Tous les articles
Conseils édition

Le droit d'auteur en 4 questions

Par 

Maitre Alice Lasry

Le 

Apr 12, 2021

Alice Lasry est avocate aux Barreaux de Paris et de New York, experte dans le domaine des nouvelles technologies et en propriété intellectuelle. Elle est l’avocate d’Édith & Nous et exerce actuellement au sein du cabinet Pépites Avocats, à Paris, dans le 8ème arrondissement.

Vous hésitez à présenter votre manuscrit, à le faire lire, à le télécharger sur les plateformes… Bref, à le rendre public ? Vous ne savez pas si, une fois exposée au regard de tous, votre œuvre vous appartiendra toujours ? Vous vous demandez comment la protéger ? Comment en garder la propriété et faire valoir vos droits d’auteur sur votre livre ?


Vous hésitez entre deux possibilités (pourtant pas forcément exclusive l’une de l’autre) : proposer votre œuvre à un éditeur, en envoyant votre manuscrit à plusieurs maisons d’édition ou en le présentant sur Édith & Nous, et dans ce cas céder vos droits en contrepartie d’une rémunération (à travers le contrat d’édition), ou bien autoéditer votre livre et garder la totalité de vos droits d’auteur (ainsi que la gestion de tous les revenus issus de l’exploitation de votre livre) ?

Mais avant tout, qu’est-ce que le droit d’auteur et que signifie céder ses droits ? Concrètement.

En France, le droit d’auteur correspond à l’ensemble des droits dont dispose un auteur ou ses ayants droit (par exemple : des héritiers ou des sociétés de gestion de droits) sur des œuvres présentant un caractère original.

En tant qu’auteur d’une œuvre originale, vous bénéficiez de deux types de prérogatives sur votre œuvre :

  • Des droits patrimoniaux (dits droits de reproduction et de représentation) qui vous permettent d’interdire ou d’autoriser l’exploitation de votre œuvre et de percevoir une rémunération en contrepartie. Ces droits peuvent faire l’objet d’une cession ou d’une licence ;
  • Un droit moral en vertu duquel vous pouvez vous opposer à la première divulgation non consentie de votre œuvre, exiger que votre nom soit mentionné lorsque votre œuvre est utilisée ou encore interdire toute modification de l’œuvre qui porterait atteinte à son intégrité. Contrairement aux droits patrimoniaux, le droit moral ne peut être cédé en ce qu’il est attaché au créateur de l’œuvre. Il se transmet aux héritiers de l’auteur.

Le droit d’auteur naît du seul fait de la création de l’œuvre, sans formalité de dépôt ou d’enregistrement (contrairement à une marque par exemple, qui doit faire l’objet d’un enregistrement à l’Institut National de la Propriété Industrielle, l’INPI), à condition que l’œuvre soit originale. La condition d’originalité n’est pas définie par la loi, elle résulte des différentes décisions de justice rendues à ce sujet au fil du temps. En définitive, on considère que le droit d’auteur est fondé sur ce lien personnel qui existe entre l’auteur et son œuvre. Une œuvre est donc considérée comme originale si elle porte la marque de la personnalité de son auteur, laquelle transparaît notamment à travers des choix libres et créatifs exprimés par l’auteur.

Une œuvre protégée peut être composée de plusieurs œuvres elles-mêmes protégeables. Par exemple, une bande dessinée est constituée d’illustrations, de dialogues et d’un scénario et donc de plusieurs œuvres. En cela, chaque œuvre dans l’œuvre est à protéger à titre individuel.

En revanche, vous ne pourrez jamais protéger une idée ou un concept, le droit d’auteur ne protégeant l’œuvre qu’à partir du moment où elle fait l’objet d’une expression, lorsqu’elle devient visible, audible, tangible, et c’est fort heureux ! En effet, si la simple idée faisait naître un droit au bénéfice de son penseur, nous n’aurions plus aucune source de création pour écrire des livres, peindre, faire de la musique, pour inventer… et ce depuis longtemps ! Autrement dit, les créations intellectuelles doivent être matériellement perceptibles dans leurs formes afin qu’elles bénéficient de la protection du droit d’auteur.

Combien de temps mon livre est-il protégé par le droit d'auteur ?

En matière de durée de protection, il faut distinguer les droits patrimoniaux du droit moral de l’auteur.

Le droit moral est perpétuel et imprescriptible. Il se transmet donc à la mort de l’auteur à ses héritiers.

Contrairement au droit moral, les droits patrimoniaux, sont quant à eux limités dans le temps. En effet, il a été considéré que passé une certaine durée, l’œuvre devait tomber dans le domaine public afin qu’elle puisse être librement et gratuitement utilisée par tous. Cette limite de protection est fixée à 70 ans après la mort de l’auteur.

Ainsi votre œuvre est protégée par le droit d’auteur tout au long de votre vie, mais également pendant les 70 années qui vont suivre votre décès. En cas de contrefaçon pendant la période de protection, vous ou vos héritiers pourrez vous prévaloir de vos droits sur l’œuvre et demander, pour chaque utilisation, une contrepartie financière.

La durée des droits patrimoniaux de l’auteur ne doit pas être confondue avec la durée de la cession des droits à un éditeur. Une telle durée est explicitement prévue lors de la cession, et peut parfaitement ne pas correspondre à la durée des droits d’auteur (elle ne peut évidemment pas les dépasser). La durée des droits d’auteur ne doit pas non plus être confondue avec la durée de validité d’un dépôt effectué dans les conditions décrites ci-dessous, une telle durée correspondant à la durée de conservation d’une œuvre à titre de preuve. Ce dépôt devra être renouvelé autant de fois que nécessaire jusqu’à la publication de votre livre.

Comment faire valoir mes droits d'auteur sur mon œuvre ?

S’il n’existe aucune obligation de dépôt ou d’enregistrement pour que naisse un droit d’auteur, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y aucun intérêt à « déposer » votre œuvre.

Le dépôt d’une œuvre permet d’établir l’existence de celle-ci à une date donnée et de prouver que vous en êtes bien l’auteur, ce qui s’avère utile au cas où un litige viendrait à naître entre vous et une autre personne qui revendiquerait la paternité de l’œuvre.

Ainsi, pour donner date certaine à votre œuvre, vous en attribuer la paternité et ainsi faire valoir vos droits d’auteurs en cas de différend avec un tiers, divers moyens (plus ou moins coûteux) sont à votre disposition :

  • Vous pouvez imprimer votre manuscrit et vous l’adresser par la Poste en courrier recommandé avec accusé de réception. En collant l’étiquette du recommandé sur le rabat de l’enveloppe, vous prouverez que celle-ci n’a jamais été ouverte et le cachet de la Poste fera foi pour la date de création de votre œuvre ;
  • Vous pouvez également vous envoyer votre œuvre par e-mail. En effet, l’article 1316-1 du Code civil admet à titre de preuve l’écrit électronique au même titre que l'écrit sur support papier. Vous devrez donc vous envoyer un e-mail avec une pièce jointe contenant votre manuscrit, sur lequel est inscrit votre nom d’auteur. Comme pour le cachet de la poste, la date d’envoi de l’e-mail fera foi ;
  • Vous pouvez prouver votre paternité sur l’œuvre ainsi que la date à laquelle elle a été créée en remplissant une enveloppe Soleau, dans sa version papier ou numérique, la e-Soleau, et en la transmettant à l’INPI. La démarche coûte une quinzaine d’euros, et le contenu de l’enveloppe est conservé par l’INPI pendant 5 ans, renouvelables une fois ;
  • La SGDL (Société des Gens de Lettres) propose également un service payant de dépôt des œuvres destiné aux auteurs qui souhaitent bénéficier d’une date d’enregistrement de nature à prouver l’antériorité de création et à faciliter en cas de contentieux la preuve de leur paternité sur l’œuvre sur la plateforme Cléo ;
  • Votre manuscrit peut également être déposé sur la blockchain. Cette technologie, pouvant s’apparenter à un registre public en ligne, permet de stocker des informations de manière sécurisée et infalsifiable. Chaque donnée entrée sur la blockchain est horodatée et ne peut être effacée ce qui permet, dans le cadre de la création d’une œuvre, d’attester de l’existence de celle-ci à la date du dépôt. C’est ce que propose Édith & Nous : chaque manuscrit déposé, et chacune des modifications que vous y apporterez, sera automatiquement protégé par un ancrage sur la blockchain. En cas de litige résultant d’une copie, reprise, adaptation ou divulgation au public de votre œuvre, il vous sera nécessaire de rapporter la preuve de l’antériorité de vos travaux. Édith & Nous vous permet de vous constituer cette preuve par l’horodatage sur la blockchain et en vous un adressant un certificat de dépôt ;
  • Enfin, le moyen le plus onéreux : le dépôt de son livre chez un notaire ou chez un huissier de justice, qui sont des officiers ministériels agréés, moyennant une somme d’environ 150 euros. Le dépôt du livre donne lieu à l’établissement d’un acte authentique en vertu duquel la signature de l'acte par l’officier fait foi de son contenu et de sa date. La preuve du dépôt de la création est ainsi irréfutable en justice. L’autre avantage lié à l’intervention d’un notaire ou d’un huissier de justice est la durée de validité de ce dépôt : elle est illimitée.

Aucune de ces solutions n’est nécessaire pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur qui, comme indiqué plus haut, résulte de la simple création d’une œuvre originale. Il en va du choix de chaque auteur. Cependant, en cas de contrefaçon, une telle démarche vous permettra de faciliter la preuve du fait que vous êtes l’auteur d’une œuvre ainsi que sa date de création.

Comment céder les droits d'auteur de mon livre ?

Tout d’abord, il est important de noter que dans le cas de l’autoédition, il n’y a aucune cession de droit, précisément parce que vous vous autoéditez, donc vous conservez l’ensemble des droits patrimoniaux sur votre œuvre.

Une cession de droits n’intervient que lorsque vous signez un contrat qui prévoit une telle cession, tel qu’un contrat d’édition. C’est ce qui se passe lorsque vous présentez votre manuscrit sur Édith & Nous, qu’il est repéré par un éditeur et que vous signez un contrat d’édition avec lui.

Pour éviter les incompréhensions, malentendus voire les conflits avec l’éditeur, votre relation doit être bâtie sur de bonnes bases, c’est-à-dire sur un bon contrat, compris et accepté de chacune des parties. Maîtriser les concepts clé ainsi que vos obligations légales et celles de l’éditeur en signant un contrat d’édition vous permettra d’éviter certains désagréments.

Quelles mentions doivent impérativement figurer dans un contrat de cession de droits d’auteur ?

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit un certain nombre de mentions obligatoires au sein des contrats de cession de droits d’auteur.

Tout d’abord, toute cession de droit d’auteur doit faire l’objet d’un écrit.

Le contrat doit ensuite comprendre une cession de droits strictement définie car, selon la loi, tout ce qui n’est pas expressément cédé à l’éditeur reste à l’auteur. Ainsi il convient de décrire précisément et strictement les types de droits cédés à l’éditeur.

En règle générale, les contrats d’édition prévoient une cession beaucoup plus large que celle nécessaire à la fabrication d’exemplaires d’une œuvre et à leur commercialisation. L’auteur n’est cependant pas obligé de consentir à un contrat par lequel il va se dessaisir d’emblée de tous ses droits. Sachez que le strict nécessaire dans un contrat d’édition est le droit de reproduire, d’imprimer et de publier !

Si une exploitation de l’œuvre à l’international est prévue par l’éditeur, une cession du droit de traduction devra être envisagée dans le contrat. Dans ce cas, le traducteur aura également des droits sur le livre puisqu’il aura ainsi créé une œuvre dérivée, c’est-à-dire une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante, en l’occurrence le livre dans sa langue d’origine.

La cession globale des droits d'exploitation sur une œuvre future, c’est-à-dire une œuvre non encore complétée, est interdite. Néanmoins, l'auteur peut accorder un droit de préférence à l'éditeur pour une durée et un nombre d'ouvrages déterminés à l’avance.

L’auteur peut également autoriser son éditeur à céder les droits de son livre à un tiers pour la publication d’une édition au format poche, les ventes en clubs ou les adaptations audiovisuelles, au théâtre, au cinéma, en BD, etc. La cession de ces droits est souvent définie au moment de la signature du contrat d’édition avec l’auteur, sauf pour les droits audiovisuels qui doivent faire l’objet d’un contrat à part.

Le contrat d’édition doit également prévoir le lieu d’exploitation de l’œuvre et la durée de cession des droits.

Enfin, le contrat doit évidemment indiquer les modalités de calcul et de paiement des droits cédés à l’éditeur.

En tant qu’auteur, comment ma rémunération est-elle calculée ?

La rémunération versée à l’auteur est, en principe, proportionnelle aux recettes de la vente ou d’exploitation de son œuvre par l’éditeur. La rémunération proportionnelle correspond le plus souvent à un pourcentage du prix de vente hors taxes au public de l'œuvre, ou plus largement des recettes provenant de sa vente ou de son exploitation (par exemple, en cas d’adaptation cinématographique). Le pourcentage de rémunération de l’auteur est fixé librement par une négociation entre l'auteur et l’éditeur, sur la base du prix de vente hors taxe de l'œuvre.

En matière littéraire, cela signifie concrètement que plus le succès du livre sera important, plus la rémunération de l’auteur sera élevée.

Une rémunération au forfait est néanmoins envisageable, lorsque la rémunération proportionnelle n'est pas possible (car la base de calcul ne peut pas être déterminée par exemple), ou bien pour une exploitation de l’œuvre à l’étranger.

Comment négocier mes droits d'auteur ?

Sur ce point, il convient de partir d’une affirmation, souvent méconnue chez les auteurs : tout est négociable dans un contrat ! Certes, la loi prévoit des règles impératives auxquelles ni l’auteur ni la maison d’édition ne peuvent déroger mais, en dehors de ces cas précis, vous êtes complètement libre en tant qu’auteur d’imposer vos conditions. Reste que le rapport entre vous et votre éditeur ne vous permettra pas toujours d’obtenir ce que vous souhaitez…

Quels sont les règles et usages à connaitre dans l'édition ?

De manière quasi généralisée, le contrat sera conclu à titre exclusif au profit de l’éditeur avec lequel vous signez. Cela signifie que vous ne pourrez céder vos droits à un autre éditeur.

Concernant la question du tirage, il est primordial que soit indiqué au contrat de cession de droits d’auteur le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage.

La maison d’édition se réservera systématiquement le droit de déterminer le format de l’œuvre à paraître, sa présentation (page de couverture, souvent en concertation avec l’auteur) ainsi que la collection dont le livre fera partie.

En tant qu’auteur, que puis-je négocier ?

Outre ces règles impératives et usages en matière d’édition, il vous restera donc à jouer de votre sens de la négociation sur les quelques points suivants :

  • Le pourcentage perçu au titre de la rémunération de la cession de vos droits. Généralement, celui-ci augmente en fonction du nombre de livres vendus (par paliers). Les pourcentages et les seuils d’exemplaires peuvent varier selon la maison d’édition ou le format du livre. Il est également observé que le pourcentage sur la vente des livres numériques est plus élevé que celui des livres papier ;
  • Un à-valoir, c’est-à-dire une avance sur les droits d’auteur, dont le montant est fixé librement lors de la négociation du contrat d’édition. Si l’œuvre fonctionne bien, cet à-valoir sera déduit de la rémunération à percevoir par l’auteur. En cas contraire, si les ventes de l’ouvrage n’atteignent pas le montant de l’à-valoir, l’auteur n’aura cependant pas à le rembourser.
  • Les droits d’exploitation consentis à l’éditeur, et particulièrement le droit de traduction ;
  • La durée du contrat, c’est-à-dire la durée de la cession des droits qui, comme évoqué plus haut, ne correspond pas forcément à la durée légale des droits d’auteur ;
  • Les actions de promotion à réaliser par l’éditeur et par l’auteur.

Vous devrez donc être attentif à tous les détails mentionnés dans votre contrat. Aurez-vous le droit, par exemple, de choisir le titre de votre œuvre ? Quels seront les délais de remise de manuscrit ? Aurez-vous à payer les frais de correction ?

Tant de choses auxquelles les auteurs doivent bien réfléchir avant de signer leur contrat de cession de droit.

Quoi qu’il en soit, ne signez jamais un contrat que vous ne comprenez pas, ou qui présente encore pour vous des zones d’ombre. En cas de doute, parlez-en avec votre éditeur. Vous pouvez vous reporter aux modèles de contrats mis en ligne par le syndicat national des auteurs et compositeurs à titre d’exemple. Enfin, vous pouvez consulter un professionnel du droit si vous pensez qu’il est nécessaire de vous faire conseiller par un tiers dans la négociation de ce contrat, pour assurer au mieux la défense de vos intérêts.

Tous vos manuscrits à la portée de plus de 150 éditeurs ! Protégez et présentez vos manuscrits.

CRÉER MON COMPTE AUTEUR
une flèche pointant vers la droite

Nos derniers articles

Nous utilisons des cookies pour améliorer l’expérience utilisateur et la navigation sur le site, pour en mesurer l’audience et en analyser le flux et pour vous proposer des contenus et des publicités personnalisées.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre Politique de cookies.

AccepterPersonnaliser mes choix
une croix pour fermer le popup